3 Février 2015

Laura adore son métier. Après 10 années comme commerciale dans un groupe de téléphonie, elle  a décidé de tout plaquer pour se recentrer sur ce qu’elle aime, la relation d’aide pour le bien être. Lors de ses 10 années passées dans ce groupe , elle s’est peu à peu fait aspirer par la pression des objectifs, des exigences multiplies des clients internes et externes, et des injonctions contradictoires de ses donneurs d’ordre internes, tous biberonnés à l’atteinte de leurs propres objectifs , et peu soucieux de l’intérêt commun. Elle a aussi vu ses collègues mal vivre ce stress , se démotiver, se liquéfier, puis développer des pathologies, avant de démissionner , de tomber en Burn Out, ou de se faire débarquer .

Laura , en phase Promoteur en Process Com’, est aussi une entrepreneuse ingénieuse, et l’idée lui est ainsi venue de développer son activité au sein de ces grands groupes aspirateurs d’énergie, et promouvant les vertus de la  « rat race » , la course sans fin, avec tout le mal être que cela peut engendrer.

Elle a développé une double expertise dans le domaine de la méditation pleine conscience (MBSR) et du massage, et ses activités lui permettent de s’aligner avec 2 valeurs fondamentales chez elle, l’harmonie, et l’action/l’initiative. Elle est à son compte depuis 2 ans, avec déjà 5 clients, ce qui est amplement suffisant, vu qu’il est extrêmement facile de fidéliser, avec l’importance croissante attachée à cette question de risques psycho sociaux et de qualité de vie au travail au sein des organisations.

Laura intervient chez « VERITE BLEUE » depuis quelques semaines, et se sent très utile, car la « maison », comme ils disent en interne, est en train de vivre de profonds changements, orchestrés par son dirigeant, Edouard DE LA MARGERIDE. Les salariés accueillent donc la mise en place de ces prestations très favorablement.

La vraie question, pour elle, est de savoir quelle est l’intention de ses clients ? Est-ce que ces dispositifs de soins s’inscrivent dans une démarche sans calcul et sans intention autre que de porter sincèrement de l’attention au bien-être de ses salariés ? Ou est-ce pour acheter la paix sociale avec les représentants du personnel ou la médecine du travail ? Ou est-ce pour afficher un cadre de travail sympathique permettant d’attirer les nouvelles recrues ? Ou encore pire, est-ce une action en prémisse d’une exigence croissante de résultat vis-à-vis des équipes ?  Laura ne peut avoir réponse à ces questions. Peut-être est-elle en effet instrumentalisée. Peut-être alimente-t-elle, à travers l’exercice de son métier, cette « rat race » qui l’a tant fait souffrir. Alors Laura se dit qu’un jour, elle pourra, et DEVRA choisir ses clients

Ce matin est une journée particulière car elle va assurer un massage pour Anne Sophie DE LA MARGERIDE, sœur du PDG, et Directrice des Opérations.

  • Bonjour Mme DE LA MARGERIDE, je suis ravie de faire votre connaissance
  • Bonjour Laura, plaisir partagé, … j’ai bien besoin d’un moment de pause relaxante ! J’aurai bien besoin d’un psy ou d’un coach aussi, mais on va procéder par étapes !

Laura mène un bref échange avec Anne Sophie pour s’accorder sur le soin le plus approprié ; elles conviennent d’un massage californien, très relaxant. Laura l’invite à se dévêtir, et lui propose de s’allonger sur la table de massage. Anne Sophie semble très agitée, elle engage très vite la conversation en partant dans un long monologue sur les affres du changement la concernant.

  • Oh Laura, je suis sous l’eau !
  • Comment donc ?
  • Mon frère a fait venir ce David GRIMBERT pour dresser un diagnostic interne de la maison et nous proposer des pistes d’actions pour mettre en place une organisation servant mieux la stratégie
  • C’est intéressant …
  • Oui, bien sûr, c’est toujours intéressant de se poser de bonnes questions, et nous avions besoin de quelqu’un qui nous pousse à le faire, mais là, il arrive avec de telles propositions ! C’est une révolution et je n’ai pas envie de me retrouver la Marie Antoinette de l’histoire ! Comment va-t-on tenir les équipes ? Nous avons toujours prôné le dialogue sans les conflits, et nous avons toujours trouvé un terrain d’entente, il n’y a jamais eu de vagues chez nous, mais là …
  • Mais c’est parfois utile d’avoir des conflits et de savoir se parler à ces moments là, non ? Après tout, il est normal que les gens ne soient pas toujours d’accord, vous ne croyez pas ?
  • En tous cas chez nous, les salariés finissaient toujours par comprendre les positions de la direction, il suffit d’un peu de pédagogie vous savez, il y a des choses qu’ils ne peuvent pas comprendre si on ne leur explique pas

Laura ne se sent pas des plus confortable avec cette attitude paternalisme toisant les « petites gens » comme des personnes serviables et dévouées, mais qui ne peuvent tout de même pas comprendre les subtilités d’une stratégie de direction

  • Mmh
  • Le problème, c’est que tous les chantiers tombent sur moi, à tel point que nous envisageons de me centrer sur un poste de DRH pur, au revoir mon poste de Directrice des Opérations ! Mais en fait, cela n’est pas pour me déplaire, il est vrai que de mettre l’humain à l’intérieur des opérations, entre l’informatique la finance et la qualité, cela n’était pas forcément respectueux de l’importance de nos loyaux et dévoués salariés. Je suis contente qu’Edouard ait enfin compris cela, mais il fallait que ça vienne de David, car de toute façon, Edouard ne m’a jamais écouté, avec ses airs de conciliateur, il me prend pour sa boniche
  • Vous allez donc élargir votre comité de direction ?
  • Ah non, restons entre nous 4 ! J’ai obtenu de garder la tutelle des autres domaines d’opération, même si je vais effectivement recruter un nouveau DSI (Directeur des systèmes d’information) et un DAF (Directeur Administratif et Financier) ; mais le recrutement d’un nouveau directeur qualité/amélioration continue va se faire sous la tutelle d’Hubert, en sa qualité de Directeur Technique.
  • Vous voilà en tous cas à l’orée de beaux projets !
  • Beaux, je ne sais pas, mais costauds, c‘est une certitude, à tel point que je me demande si je ne vais pas finir DRH Directrice des Restes Humains plutôt que DRH Directrice de Ressources Humaines …
  • C’est-à-dire ?
  • Eh bien David nous parle de mettre en place des entretiens trimestriels avec les salariés et un management par objectif
  • Et ? …
  • Mais il est très difficile d’évaluer ce que nous faisons, notre cœur de métier est artisanal, comment voulez-vous que l’on se fixe des objectifs ? David nous parle même d’objectifs comportementaux qu’il faut rendre SMART … smarts je veux bien, mais mesurables, c’est impossible ! Comment voulez-vous mesurer que Paul, au magasin, arrête de discuter avec ses collègues ? Et comment allons-nous mesurer que les gens sont plus dans l’entraide et la proactivité ?
  • Peut être en mesurant et mettant en œuvre les idées qu’ils proposent ? J’avais ça dans mon ex société, et c’était plutôt valorisant et bien perçu…
  • Mais tout mesurer, c’est inhumain ! Et puis nous les connaissons bien nos employés, pourquoi les revoir tous les 3 mois ? Les « feedbacks», comme dit David , on leur donne au fur et à mesure . En plus David me parle maintenant de « feedforward » ou un truc comme ça, il parle comme les auditeurs …. avec ses termes anglais, Kpi, Metrics, Swot, Dashboard, Balanced scorecard, Five whys , Lean, Empowerment, je m’y perds, moi ! … Et je ne suis pas la seule, nous avons un breton un peu dans son jus à la maintenance, qui a littéralement pété les plombs, excusez moi du terme, quand David lui a demandé de monter une « Task Force » pour faire un « Swot » sur la maintenance préventive
  • Relaxez vous, je vous sens encore tendue, parlons de ce qui vous plait dans ce qui vous arrive …
  • Ce qui me plait, vous voyez, par exemple, c’est que je sois là, ici, avec vous, parce que faire venir une personne pour s’occuper du bien être des salariés aurait été impensable il y a encore six mois, et ça, c’est David qui l’a amené. Et puis je râle parce que je suis inquiète, mais son idée de construire un pilotage de notre activité en instituant des indicateurs et objectifs associés est vraiment nécessaire, tout comme la mise en place de standards, car parfois, nous ne savons vraiment pas à qui ou quoi se fier pour savoir ou nous en sommes.
  • Mais vous me disiez à l’instant que vous ne croyez pas à la faisabilité du management par objectif ?
  • Ca n’est pas vraiment ça, … en fait, je ne sais pas… , je crois que je suis un peu au milieu du gué. Mais son idée de produire un référentiel de valeurs de l’entreprise est aussi intéressante , surtout que son approche n’est pas de tout casser, mais bien de s’appuyer sur nos origines, nos savoirs faire, et toutes nos belles réalisations qui nous ont amené là ou nous sommes aujourd’hui. Quel chemin depuis la mort de mon père ! Même si c’est plus difficile ces derniers temps, nous avons tout de même doublé de taille, ce n’est pas rien. David a organisé des ateliers pour produire le projet de valeurs et ils ont construit un excellent projet de charte, dans laquelle j’ai reconnu notre maison. Reste à savoir ce qu’Edouard va en penser … et Guillaume, oh mon dieu Guillaume, qui ne pense qu’à ses clients et voudrait que tout le monde soit au garde à vous à chacune de ses demandes de trèfles à 4 feuilles… sans compter que David va nous proposer, car il a une vision très… comment dire … « business » de ce que nous devons devenir

 

 

L’éclairage par la spirale dynamique

On peut se demander quel est le système de valeur de Laura. Elle nous parle d’harmonie, de bien être, d’action et d’initiative, et elle se pose très vite des questions sur le sens de ses interventions. Cela nous oriente vers FS VERT ou GT JAUNE, il est trop tôt pour se prononcer de façon certaine.

 

Quant à Anne Sophie, elle peut nous permettre d’illustrer un éléments clé de la Spirale Dynamique : les valeurs.

Les 8 systèmes de valeur de la Spirale dynamique se distinguent par les valeurs profondes . A chacun des 8 systèmes de valeur correspond des valeurs profondes. Il ne s‘agit pas des valeurs de surface, c’est-à-dire celles que l’on montre, ni des valeurs cachées, celles que l’on décide de masquer ou qui sont implicites, mais bien des valeurs profondes. Ces valeurs profondes sont complexes à appréhender, car elles sont abstraites, elles n’existent pas formellement, elles peuvent se manifester de manière très différente, mais sont pourtant au cœur de la dynamique des systèmes concernés.  Par exemple, au sein du système DQ BLEU, partageant une communauté de valeurs profondes autour de l’ethnocentrisme normatif (ordre transcendant, discipline collective, appartenance), nous pourrons à la fois trouver des communistes et des religieux pratiquants, portant des valeurs de surface et des valeurs cachées très différentes.

Si nous revenons à Anne Sophie, elle nous parle de ses valeurs de surface, c’est-à-dire la dimension humaine,  avec une teinte de paternalisme en valeur à peine cachée . En ce qui concerne les valeurs profondes, la morale, la loyauté vis à vis de la maison, et le respect de la hiérarchie montrent un système typiquement DQ Bleu. Et sa remarque sur Marie Antoinette parle de la peur d’être coupable, aussi très DQ BLEU. Son rejet des composantes de ER ORANGE (objectifs smarts mais pas SMART !) traduit une non prise de conscience des bénéfices de ER ORANGE.

 

A vous ! 

Avez-vous vécu ce qu’Anne Sophie peut vivre dans cette situation ? Et si oui, comment avez-vous réagi et comment réagiriez vous si c’était à refaire ?

 De quoi Anne Sophie a besoin pour être plus positive, plus optimisme ?