12 Novembre 2015
Comme à leur habitude, les 3 frères et sœurs dirigeants, ainsi qu’Hubert KERMALEC, Directeur technique et seul membre du comité de direction non issu de la famille, se retrouvent chaque vendredi au restaurant Christopher COUTANCEAU, très bonne table Rochelaise en bord de mer, pour déguster les produits locaux, huitres, oursins, et coquilles Saint Jacques. Ce rituel de 20 ans est tout particulier aujourd’hui, car Edouard a décidé d’inviter le consultant David GRIMBERT, ce qui est une grande première, et à bien des égards une forme de reconnaissance.
Après avoir été accueillis par Nicolas, maitre de maison, et échangé quelques discussions d’usage, chacun porte un toast à la réussite de VB. Puis Edouard lance les débats.
(Edouard) Bien, les amis, je vous propose de lancer l’état des lieux de nos projets. Suite à notre séminaire « Vision Bleue » du 11 décembre 2014, qui a aussi été un moyen pour moi d’introniser l’accompagnement bien précieux de David, ici présent, nous avons lancé 7 projets de déclinaison, qui sont, je le rappelle,
- la mise en place de comptes clés associée à une approche internationale inter filiale
- une stratégie déclinée en management par objectif
- l’amélioration continue
- la construction d’un référentiel de valeurs maison
- la mise en place d’actions visant une meilleure QVT ( qualité de vie au travail)
- le développement de l’innovation
- l’engagement des salariés
Lors de notre repas, dans ces mêmes lieux, début Février, et au vu de certaines… difficultés de lancement, nous étions convenus de nous concentrer sur les projets ayant une forte visibilité externe, dans le but d’obtenir des gains rapides, visibles, et immédiats.
Je me réjouis de voir, Guillaume, et avec l’aide de tous, dont David, que le projet de mise en place des comptes clé est en excellente voie d’avancement ! Malgré les difficultés que nous avons pu rencontrer avec la Suède et l’Australie, nous sommes désormais en position d’avoir une approche globale de nos comptes clés, pour notre plus bonheur, et surtout pour celui de nos clients.
Un autre projet avance bien, il s’agit de la QVT, avec notamment, les interventions de Laura en massage et en méditation, notre accord sur l’aménagement du temps de travail, quelques aménagements ludiques comme ce babyfoot en salle de pause, la prestation du nouveau food-truck « circuit court » , et de nouvelles salles de réunions très conviviales…
(Anne Sophie) Tu ne vas pas nous annoncer le recrutement d’un Chief Happiness Officer, j’espère ?
(Edouard) Anne Sophie, je t’en prie, laisse-moi finir de dresser l’état des lieux ! Te concernant, d’ailleurs, rappelons nous que nous avons décidé d’un commun accord il y a quelques semaines, de suspendre un des 2 projets que tu portes, celui de l’EE (engagement des salariés), faute de volontaires pour lancer les workshops. Cela a été une sage décision, il y avait trop de chantiers à l’agenda. Il nous reste donc 4 projets à discuter. Pour les 3 concernant l’amélioration continue, le développement de l’innovation, et le management par objectif, nous sommes comme vous le savez dans une situation très tendue et nous avons une réunion de crise planifiée demain avec les délégués du personnel. Nous nous retrouverons 1h avant dans mon bureau pour préparer notre stratégie.
Mais j’aimerais que l’on profite de ce déjeuner pour parler du 7ème projet, celui sur le référentiel de valeurs. Si je résume la situation, entre notre propre production et le résultat des ateliers des salariés, nous arrivons à un alignement sur 4 valeurs (intégrité, respect, excellence, et esprit d’équipe), et un différent sur les 3 autres. De notre côté, nous mettons en avant innovation, responsabilité, et entrepreneurhip. De leur côté, ils proposent transparence, loyauté, et ingéniosité. Comment interprétez vous cette divergence ?
(Guillaume) C’est sûr qu’entrepreneurhip, ça leur fout la trouille. On leur a toujours demandé de « suivre les plans », et là, on leur demande d’innover et de prendre des initiatives, du coup, ça pique !
(Edouard) Tes commerciaux, tu leur as toujours demandé de suivre les plans, Guillaume ?
(Guillaume) Non, je leur demande d’apporter de nouvelles idées, de prendre des initiatives, mais rien ne vient !
(Hubert) Eh bien c’est pareil pour moi, Guillaume.
(Anne Sophie) Ah moi, pour ça, avec l’omniprésent sponsoring de notre DSI champion de l’innovation, Loic, je n’ai pas de problème avec mes filles ! Elle mettent même des chapeaux de couleurs pour produire leurs idées (cf épisode 8) !
(David) Attendez, mais il n’y a pas que les équipes d’Anne Sophie qui sont impliquées dans les chantiers d’innovation ! Hubert et Guillaume, vos équipes ont bien été impliquées dans les workshops sur la dématérialisation de leur processus, non ?
(Hubert) Oui, certes, et il y a de bonnes idées, mais de là à mettre en œuvre …
(David) Ah eh bien voilà ! Bienvenus au club des sponsors de projets dont vous faites partie tous les 3, Hubert, Guillaume, et Anne Sophie ! Parce qu’entre créativité et innovation, aujourd’hui, il y a un gap ! La créativité, c’est les idées et l’innovation, c’est la mise en oeuvre. Et s’il y a les idées, mais que personne ne tranche pour la mise en œuvre, il n’y a pas d’innovation. Les administrateurs judiciaires croulent sous les dossiers d’entreprises liquidées qui ont déposé plein de brevets mais n’ont jamais su innover ! Donc, la question est de savoir ce qui bloque la prise de décision. Pour l’innovation, Loic est en charge du projet, Sophie, mais il dépend de toi. Et pour l’amélioration continue, Hubert, c’est ta responsabilité de voir si Rachel, en tant que chef de projet, concrétise.
(Edouard) Donc, ce que nous sommes en train de dire, c’est qu’en tant que comité de direction, nous devons mieux porter et incarner ces valeurs d’innovation et entrepreneurship pour qu’elles puissent parler aux équipes. Et que cela commence par votre implication directe et immédiate pour concrétiser certaines des idées ressorties des ateliers, c’est ça ?
(Tous) … silence
(Anne Sophie) Tout à fait
(Edouard) Ok, je vous propose que l‘on refasse le point des avancées sous quinzaine, ici même. Et pour le reste ?
(Guillaume) Ne nous prenons pas la tête sur la troisième que nous avions mis, la responsabilité. Surtout si on veut garder innovation et entrepreneurship, car il faudra bien lâcher pour négocier. Sur les 3 qu’ils proposent, « ingéniosité » me parle bien, mais « transparence », bof, pas facile à incarner pour nous tous en tant que CODIR, et pour ce qui concerne la loyauté, j’ai peur que certains pensent un peu trop à « loyalisme », c’est-à-dire fidélité au système. Et du coup, elle s’opposerait à innovation et entrepreneurship.
(Anne Sophie) C’est un truc qui te fait peur, la fidélité, Guillaume ?
(Edouard) Anne Sophie, je t’en prie, tu ne vas pas recommencer avec ton frère !
(Hubert) Je ne partage pas votre point de vue, Guillaume, je pense que loyauté sous-tend sincérité, droiture, respect, et dévouement ; d’ailleurs dans les exemples qu’ils ont donné, ils sont plutôt dans ce registre.
(Guillaume) Ok, va pour sincérité, mais la droiture, le dévouement, le respect, est ce que ce n’est pas un peu poussiéreux comme notion ?
(Hubert) Mais c’est notre identité même, Guillaume !
(Edouard) Ce qui me gêne, Guillaume, c’est que tu es ok sur le principe de sincérité, mais que transparence te gêne, tu peux m’en dire un peu plus ?
(Guillaume) Eh bien je vais te dire, Edouard : pour moi, il y a une valeur clé, c’est l’exemplarité ! Et question transparence, le fait est qu’on n’est pas prêts à être exemplaires ! Et pour être franc, je parle plus de vous que de moi, là !
(Edouard) Ou veux-tu en venir ?
(Guillaume) Tu te rappelles, Hubert, quand je t’ai ramené un masque du Mexique, un truc que j’avais récupéré lors de mon stage de chamanisme ?
(Hubert) Ah oui, vos histoires de magie noire, je me rappelle …
(Guillaume) Oui, bon, je ne vais pas te parler des esprits, c’est pas le lieu, et je sais que ça heurte tes mentors qui portent la croix
(Hubert) On ne va pas tout de même pas faire le procès de ma foi catholique !
(Edouard) Je suis d’accord, Guillaume, chacun a sa spiritualité, et nous ne t’en voulons pas de t’égarer sur des chemins que nous ne cautionnons pas
(Guillaume) M’égarer ? M’égarer ? Ca y est, c’est le retour de l’inquisition !
(Anne Sophie) Hop hop hop, les hommes, la récré est finie, autrement, David va nous sortir sa kippa ! Ou veux-tu en venir, Guillaume ?
(Guillaume) Je pense sincèrement que nous, comité de direction, ne sommes pas en capacité de « tomber les masques » ; je ne parle pas de moi en particulier, mais de nous tous, et de nos managers aussi, d’ailleurs. Je vais commencer par toi, Hubert : est ce que tu ne fais pas semblant quand tu confies à Rachel l’organisation de workshops sur l’amélioration continue, alors que tu es convaincu que rien ne sortira de mieux que tes incontournables méthodes et process établis il y a quelques années ? … autrement, dis-moi si je me trompe, mais tu en as déjà validé des idées issues de ces workshops ? Et toi, ma chère sœur, est ce que tu ça n’est pas exactement la même chose avec Loic sur l’innovation ? Et toi, Edouard, est ce que tu ne fais pas semblant quand tu cherches à nous rassurer alors que tu as une trouille noire de ce que tu es en train d’impulser, tellement c’est aux antipodes par rapport aux valeurs de grand père ? Mais messieurs dames, continuez donc à faire semblant, continuez, continuez ! Sauf que personne n’est dupe, et pendant ce temps, les projets sont en friche, ils prennent la poussière ! Et vous croyez que nos concurrents vont attendre gentiment que l’on s’y mettre vraiment ?? Parce que je vois comment ils avancent, les concurrents, je le vois chaque jour chez les clients ! C’est bien d’avoir mis en place une organisation compte clé, car oui, ça nous donne une chance de signer de très beaux accords ; mais ces grands comptes ne nous signeront pas un blanc sein, ils attendront de l’excellence. Et je ne veux pas être humilié par les insuffisances d’une organisation trop lourde et trop lente, à un moment ou il va falloir être beaucoup plus réactif et agile !
…(silence pesant) ……………………………..
(Edouard) Je comprends ton courroux, Guillaume, tu veux que nous progressions et c’est légitime. Anne Sophie et Hubert vont réagir. Et je suis d’accord que la transparence n’est pas une valeur évidente à incarner, en tous cas pour la plupart d’entre nous, parce qu’en ce qui te concerne, ça ne semble pas te poser de problème ! Pour boucler sur le sujet des valeurs, je propose que nous retenions leurs valeurs »ingéniosité », et que nous gardions coûte que coûte notre proposition de valeur « innovation ». Je partage tes réserves, Guillaume, sur la valeur « loyauté », il faut briser nos chaînes. Qu’en penses-tu, David ?
(David) Mmh, donc, si l’on résume, « intégrité », « respect », « esprit d’équipe », « excellence », « ingéniosité » et « innovation », c’est bien ça ? Cela me semble intéressant : les 3 premières sont de votre ancien monde, les 3 dernières de votre nouveau monde. C’est peut-être moins ambitieux qu’avec « Entrepreneurship », mais du coup, c’est plus accessible et démontrable pour vous, si tant est que vous fassiez l’effort nécessaire sur l’innovation. Sur la valeur « Responsabilité », que nous ne retenons pas, nous allons déjà progresser sans elle avec certaines autres valeurs déclarées. Par contre, ils ont un droit de réponse, et il va falloir être à la hauteur pour leur expliquer pourquoi nous n’avons pas retenu »transparence» !
(Edouard) Tout cela me semble parfait. Qu’en pensez-vous ?
(Anne Sophie) Je tombe les masques et j’achète cash et sans remise !
(Hubert) Très bien pour moi aussi. Je lâche la valeur « loyauté » avec quelques difficultés, mais j’apprécie que nous confirmions la valeur « respect ».
(Guillaume) Et en plus, Hubert, tu vas pouvoir garder ta cravate, ha ha !
(Hubert) Je ne vois pas ou vous voulez en venir, Guillaume.
(Edouard), Allez allez, dégustons maintenant ce merveilleux granité d’extrait de mer au citron vert.
(Anne Sophie) Oui papa
….. regard noir de son frère Edouard……
L’éclairage de la spirale dynamique
Le comité de direction est dans un exercice de définition des valeurs. Cette circonstance donne l’occasion de présenter les 3 niveaux de valeurs de la Spirale Dynamique.
La SD constitue une holarchie de systèmes de valeurs PROFONDES. Les échanges entre les membres du CODIR oscillent plutôt entre 2 autres niveaux de lecture des valeurs :
- les valeurs DE SURFACE qui sont celles que l’on se force à démontrer le plus souvent possible au sein d’un collectif, pour être et agir au mieux dans ce collectif, et que l’on peut nommer de façon explicite
- les valeurs CACHEES, qui sont implicites, c’est-à-dire présupposées connues
Par exemple, lorsque le CODIR s’accorde sur la valeur « Respect », nous sommes bien dans l’affichage d’une valeur de SURFACE. Mais il est possible qu’Hubert et Guillaume ne mettent pas la même chose derrière le mot « Respect » ; peut être qu’Hubert mettra le vouvoiement et le fait d’appeler les gens par leur nom, et peut être que Guillaume mettra le fait de répondre aux sollicitations . Ils seront alors sur des valeurs CACHEES qui s’appelleront toujours RESPECT, mais qui seront différentes. L’exercice des référentiels de valeur est donc double ; « officialiser » les valeurs de SURFACE, et en définissant ces valeurs, valider que les valeurs CACHEES sont partagées. C’est un peu comme si les valeurs CACHEES constituaient une définition plus précise des valeurs de SURFACE associées.
Les valeurs PROFONDES de la Spirale se définissent à un autre niveau et sont du coup beaucoup plus abstraites et génériques.
Si l’on reprend les 6 valeurs retenues par le CODIR, à savoir « intégrité », « respect », « esprit d’équipe », « excellence », « ingéniosité » et « innovation », il apparait que l’excellence, l’ingéniosité, et l’innovation parlent beaucoup d’ER ORANGE puisqu’en résonnance avec la valeur profonde ER ORANGE « Progrès ». Elles parlent aussi d’une forme d’orientation client très ER ORANGE, puisque dans le monde rationnel ER ORANGE, un des 2 juges de paix pour toute organisation, avec le profit, est la satisfaction client.
En ce qui concerne les 3 premières valeurs, même si elles parlent un peu plus des systèmes collectifs DQ BLEU ou FS VERT, il est difficile de les associer essentiellement à ces systèmes de valeurs. ER ORANGE peut naturellement afficher « respect » dans sa charte si cela est motivé par le fait que cela améliorera la performance individuelle. De même, pour l’esprit d’équipe, si cela est motivé par le fait que cela améliorera l’engagement individuel.
En parallèle, à travers cet épisode, Guillaume confirme son positionnement ER ORANGE pressé, et s’impatiente de la lenteur d’Anne Sophie et Hubert à lâcher leurs réflexes immobilistes DQ BLEU, lorsqu’ils ne se posent pas suffisamment à son goût en promoteurs de l’innovation et de l’amélioration continue, 2 ingrédients très marqués ER ORANGE.
Il va également chercher Hubert et Edouard sur le terrain de la religion. En effet, Hubert et Edouard sont catholiques pratiquants, et ainsi encore plus alignées à une vision du monde DQ BLEU, alors que Guillaume est athéé et rationnel jusqu’au bout des ongles, même si son intérêt de surface pour le chamanisme dénote une certaine curiosité exotique pour le BO VIOLET.
Guillaume prêche pour plus de transparence, car il souhaite dans une certaine mesure briser les chaînes de la pensée unique DQ BLEU, mais soyons lucides sur ce point
- sa motivation s’arrêtera là s’améliorera la performance ; tout ne se dit pas non plus en ER ORANGE, et notamment les motivations profondes d’ordre individuel
- il est un peu sous l’emprise ( affective et intellectuelle !) du plaidoyer de Laura lors de l’épisode 7, mais Laura témoigne plutôt d’un environnement GT JAUNE
- ce n’est qu’en GT JAUNE que la transparence devient une valeur essentielle et complètement démontrée
A vous !
En quoi les valeurs de surface et les valeurs cachées de vos collectifs d’appartenance sont alignées avec vos valeurs profondes personnelles ? Et si l’alignement n’est pas aussi important que vous le souhaiteriez, que pouvez vous faire pour mieux vous sentir aligné ?
Bravo pour ces 10 premiers épisodes ! J’attends avec impatience la suite